Al Andalus, c’est l’histoire d’un homme qui grandit dans une ferme du fin fond de l’Andalousie et qui aime sa terre. Francisco Perujo, le père de Sylvia et Antonio Perujo, voit le jour au début des années 1940 dans la région de Malaga, au sud de l’Espagne. Devenu adulte, il est contraint de partir travailler en Suisse; malgré son soleil et la beauté de ses paysages, l’Andalousie ne peut lui offrir de quoi subsister. Peu importe: il l’exportera là où il posera ses valises. Car Francisco Perujo est un homme passionné de culture qui connaît par coeur l’oeuvre de Federico Garcia Lorca dont il chérit la poésie. Autodidacte, cet Espagnol ne recule devant aucun métier pour subvenir aux besoins de sa femme, Dolores, et de leurs trois enfants, Juan Carlos, Antonio et Sylvia. Mais il pense aussi à leur insuffler l’amour de l’art et des traditions andalouse et chaque été, le clan Perujo participe à la Feria de la ville de Malaga.

C’est dire que lorsqu’Antonio, son fils de cinq ans, lui demande de pouvoir intégrer un groupe de flamenco pour enfants, Francisco Perujo n’hésite pas une seconde. Main dans la main, père et fils franchissent ensemble les portes d’un cours de danse, celui de Paquita Nuevo Romero. Hasard ou heureux présage, Antonio danse ses premiers pas de flamenco au printemps 1981, alors que sa petite soeur Sylvia vient de voir le jour…

Une famille espagnole émigrée, quelques pas de flamenco le week-end… L’histoire pourrait s’arrêter là, mais ce serait sans compter avec le caractère entier de Francisco Perujo. Avec lui, c’est tout ou rien. Ce sera le flamenco. Tout le flamenco. Chaque dimanche, les émigrés se réunissent dans des centres culturels espagnols et Francisco veut lui aussi faire vivre un peu de cette Espagne qu’il aime. Il commence alors à gérer le groupe de danse de la communauté espagnole de Lausanne et crée l’Association des Andalous de Lausanne. Paroisses, salles de fête, c’est le début de spectacles de flamenco qui n’enthousiasment pas que les adultes. Car la petite Sylvia, qui n’a que deux ans et demi, ne peut pas entendre une seule note de musique flamenca sans se trémousser. Dans les cours de flamenco où on l’emmène, Sylvia se glisse entre les jupes des femmes venues apprendre la danse. Sérieuse, la fillette imite les adultes avec la plus grande concentration. Elle apprend même les pasadas, les pas de la si difficile danse sévillane. Elle tourne à l’envers? Peu importe. La professeur arrête son père qui voudrait la corriger: «Regarde comme elle tourne joliment!»

Les années passent et l’amour du flamenco reste. Antonio devient employé de commerce, puis couturier dans un atelier de haute couture sur mesure pour dames, à Lausanne. La place est prestigieuse et le patron lui propose de reprendre l’entreprise, mais le jeune homme qui n’a que vingt-trois ans hésite. Il vient de recevoir le prix du mérite culturel de la ville de Renens pour son premier spectacle, Passion flamenca, qui a remporté un immense succès. Cela fait presque dix ans qu’il donne des cours de flamenco. Il le sent, il l’a dans le sang. Après une semaine de réflexion, sa décision est prise: adieu tailleurs et vestons. Son avenir, c’est la danse. Et sous l’égide du père, Francisco, l’association Al Andalus voit le jour le 24 octobre 1995.

Sylvia ne tardera pas à parvenir à la même conclusion que son frère Antonio. Elle qui donne des cours depuis ses quinze ans se lance dans l’univers du flamenco, son baccalauréat en poche. Commencent alors des années de formation entre la Suisse et l’Espagne, où le frère et la soeur se rendent très souvent. Sylvia et Antonio participent aussi, un peu partout, à des festivals de danse. En Suisse et en Espagne bien sûr, mais aussi en France, en Italie, en Estonie, en Allemagne et en Angleterre. Conseillés par leur père Francisco, encadrés par Dolores, leur mère qui gère, en coulisses, logistique et états d’âme de la petite troupe, Sylvia et Antonio grimpent les marches du succès. Tout leur sourit et en 2006, le frère et la soeur ouvrent leur propre école de danse entre Genève et Renens.

Mais le 20 avril 2008, Francisco meurt dans un accident de voiture. Pour la famille du flamenco en Suisse, une page se tourne et Sylvia et Antonio n’auront de cesse de faire vivre l’héritage culturel fabuleux que leur ont transmis leur père. De nombreux mentors les aideront à passer plus loin la flamme du flamenco: José Granero de Buenos Aires, qui a fait le premier casting de West Side Story; Javier Latorre, le plus grand chorégraphe de flamenco vivant, qui travaille actuellement pour le ballet national; Belen Maya, Manolo Marin, Lola Greco, Matilde Coral…

C’est cet amour du rythme et de la fougue andalouses, né dans une ferme du fin fond de la sierra, que Sylvia et Antonio Perujo se proposent de partager avec vous!